HERITAGE HISTORIQUE

A travers plusieurs séries, Corentin Faye évoque des pans de l’histoire du continent africain et de sa diaspora, à travers les différents rôles des femmes dans ces sociétés. Dans la société sénégalaise dont est originaire l’artiste, la période coloniale voit naître une nouvelle bourgeoisie locale installée à Gorée, Rufisque et Saint-Louis, composée des premières femmes métisses, les signares. En effet, les colons européens ont épousé des sénégalaises « à la mode du pays » et ont confié en leur absence à leurs filles métisses le pouvoir d’administration de leurs commerces. Cette société développe ses propres codes, issus d’un mélange de la haute société européenne et des traditions africaines, comme en attestent sur ces scènes de genre les costumes d’apparat, les bals, la transmission de l’éducation, l’administration du commerce et des esclaves de cases. Ce pouvoir leur est aussi conféré par la fascination qu’exercent ces premiers métissages, associés à une forte valorisation de leur beauté et de leur sensualité. Pour cette série sur les signares, l’artiste s’est inspiré des productions d’estampes européennes des XVIIème et XVIIème siècle, proposant ainsi une relecture contemporaine et critique de cette iconographie coloniale. Dans les sociétés de l’Afrique subsaharienne, la femme est également dotée de pouvoirs de divination qui s’expriment à travers la transmission de rituels de géomancie et la création de nouvelles narrations et de nouveaux mondes induits par cet « art divinatoire ». La prédiction est en effet considérée comme un art car chaque « prescription » invente un regard renouvelé sur l'avenir. D’un point de vue symbolique, le cauri est lié au féminin. Sa forme sexuelle l'associe à des rites de fécondité. La voyante tient ainsi un rôle sociétal important en réimaginant l'avenir, en créant de nouvelles histoires. Victimes des guerres et des déplacements de population, les femmes subissent des violences et des exactions. Le Darfour est un des exemples de territoire où la guerre civile qui sévit depuis 2003 a donné lieu à des violences sexuelles de grande ampleur subies par les femmes et les enfants. Les viols systématiques ont été utilisés comme arme de guerre et de purification ethnique contre les populations noires de la région. Ces réfugiées attendent et espèrent l’aide humanitaire mais leurs espoirs sont régulièrement déçus par la rareté de ces secours. Face à la violence des oppresseurs, l’Histoire laisse émerger des figures de femmes révoltées et combattantes. La résistance des femmes de Nder illustre la lutte contre l’esclavage au Sénégal. Un mardi de novembre 1819, alors que leurs maris sont aux champs, les femmes restées au village de Nder, mobilisées par Mbarka Dia, empruntent leurs costumes et leurs armes pour défendre le village et résister aux assaillants Maures Trarza. Après les avoir repoussés une première fois, elles préfèrent s’immoler par le feu plutôt que de devenir esclaves de leurs ennemis.